Voir article précédent : Perte de temps

Cet article est la suite de l’article Perte de temps avec les smartphones

Chaque commandement doit être appliqué à un moment spécifique. Les Téfilines  doivent être mises le jour,  le Loulav pendant la fête de Souccot , les Tsitsit le jour également, etc…

En revanche au sujet de l’étude de Torah aucun temps spécifique lui a été accordé. En effet, chaque juif a l’obligation d’accomplir ce commandement dès qu’il peut étudier. D’ailleurs le Rambam (Hilkhot Talmoud Torah 1/8-10) enseigne : “Tout juif est soumis à l’obligation d’étudier la Torah, qu’il soit pauvre ou qu’il soit riche, qu’il soit en bonne santé ou un homme subissant une multitude d’épreuves (…) Parmi les sages d’Israël, il y en avait qui étaient bûcherons, d’autres puiseurs d’eau et d’autres aveugles, malgré tout ils s’affairaient à l’étude de Torah autant le jour que la nuit. Jusqu’à quand l’homme a-il l’obligation d’étudier la Torah? Jusqu’au jour de sa mort…”

Il est connu de tous que le péché le plus grave de la Torah est le « Bitoul Torah ». En effet dans le Yeroushalmi, traité Péa 5a, les Sages nous enseignent:

כשם ששכר תלמוד תורה כנגד כולם כך עונש ביטול תורה כנגד כולם

“De même que la récompense de l’étude de Torah est équivalent à la récompense de tous les commandants positifs réunis, ainsi la punition du Bitoul Torah est équivalente à la punition de toutes les transgressions réunies”

Cet enseignement affirme donc qu’annuler un instant la possibilité d’étudier la Torah est plus grave que toutes les transgressions de la Torah réunis. Celui qui fume pendant le Chabbat, ou celui qui mange un aliment interdit, transgresse une interdit qui est sans commune mesure avec la transgression de « Bitoul Torah ». (voir également Avot 3/7)

Bien que cet enseignement a été transmis, il y a près de deux milles ans, à des personnes très élevées spirituellement, la Torah étant éternelle s’adresse à toutes les générations.  Par conséquent, malgré notre niveau spirituel très affaibli, nous devons malgré tout mettre en œuvre tout ce qui est en notre pouvoir afin de ne pas transgresser cet interdit.

A présent, nous devons comprendre quelles est la portée de cette transgression. Or nous savons que dans la Torah, le nom d’une créature, d’un élément quelconque, voire d’une notion abstraite définit l’essence-même de ce qu’il désigne. Les noms ne sont pas choisi au hasard mais, bien au contraire, ils se doivent d’être précis.

Je vous propose donc de comprendre le sens de cette notion de “Bitoul Torah”.

Pourquoi nos Sages ont-ils nommé cet interdit “Bitoul Torah” qui signifie “annulation de la Torah”? Est-il réellement possible d’annuler ne serait-ce qu’une partie de la Torah? Nos actions peuvent-elles avoir un impact sur la Torah elle-même?

Peut être que nos Sages auraient dû appeler cet interdit “Bitoul Zman” qui signifie “perte de temps”. Une perte de temps qui engendre la non-réalisation du commandement positif qui consiste à étudier la Torah. D’ailleurs dans les autres commandements nous n’avons pas trouvé de transgression nommée “annulation de la souka”, “annulation du loulav”, “annulation des tefilines” mais seulement « annulation du commandement positif de tefilines, etc… »

Dans le cadre de l’étude de Torah, nous aurions dû également appeler cet interdit  “annulation de la mitsva positive d’étude de Torah”.

Or par cette notion de “Bitoul Torah”, cela nous laisse entendre, D. nous en préserve, que nous avons le pouvoir d’annuler l’essence même de la Torah. Mais est-ce réellement possible?

Pour répondre à cette question nous devons citer un enseignement de nos sages dans le Midrash (ב”ר  ע, ט)

“S’il avait manqué une seule personne du peuple juif, les juifs n’auraient pas reçu la Torah au Mont Sinai”.

Les commentateurs expliquent que puisque dans la Torah il y a 600000 lettres qui est également le nombre de personnes constituant le peuple juif. Il est absolument nécessaire que les 600000 juifs soient au mont Sinaï afin que la Torah soit transmise dans son intégralité et non à moitié.

Il apparaît d’après ce commentaire que chaque juif a une part dans la Torah qui lui est propre et qui lui est destinée, à lui seul.

Chaque juif a une mission qui lui est propre. La Torah ne désire pas que nous devenions tous les mêmes mais au contraire chacun doit réaliser son potentiel,  sa lettre de Torah. Il est courant de croire que l’idéal juif est de devenir exactement comme tel rabbin ou comme tel tsadik mais en réalité la Torah nous invite à devenir soi-même, à réaliser notre potentiel. La Torah nous dit : « Deviens toi-même, réalise ton potentiel et non celui des autres ». La Torah est constituée de 600000 lettres qui sont 600000 programmes différents. Chacun d’entre nous reçoit son programme et la Torah nous invite à faire passer notre lettre du potentiel au réel. La Torah n’est pas seulement un texte, une théorie, un code de loi, elle est une Torah vivante qui ne demande qu’à être réalisée, a être exprimée dans son intégralité. Hashem ne désire pas transmettre un livre mais bien une Torah qui devient vivante par nos actes, nos réalisations, nos devenirs, notre vie.

Selon la loi juive, un Sefer Torah dont une lettre voire une partie de lettre est manquante est invalide. La Torah doit être entière et parfaite. Si un juif aurait manqué au mont Sinaï, une lettre n’aurait pas pu passer du potentiel au réel et la Torah aurait donc été incomplète.  Hashem ne peut pas donner de Torah incomplète car elle n’est pas une Torah.

A présent, nous avons été gratifié du don de la Torah, il nous incombe de faire vivre cette Torah. Ne pas l’étudier, voire l’abandonner la rend imparfaite, qu’Hashem nous en préserve, et nous annulons la Torah elle-même.

Nous comprenons également pourquoi la punition de la non-réalisation de l’étude de Torah est si grave. La Torah est ce qui nous différencie des autres peuples dans le sens où elle permet un lien avec le Créateur. C’est d’ailleurs ce que nous disons chaque matin dans les bénédictions ”אשר בחר בנו מכל העמים ונתן את תורתו/ qui nous a choisi parmi les peuples et nous a donné Sa Torah »

Mais la Torah est également le programme qu’Hachem nous a donné à tout un chacun, qui se caractérise par la réalisation de notre potentiel. Ne pas s’adonner à la Torah signifie tout simplement de pas vouloir réaliser notre mission.

De plus le Bitoul Torah n’est pas qu’une affaire personnelle mais bien sur le monde entier. L’un des piliers permettant que le monde subsiste est l’étude de la Torah. D’ailleurs, il faut savoir que la non réalisation de soi-même peut avoir un impact énorme sur développement spirituel de notre entourage.

Grossièrement, si Reouven ne s’adonne pas à la Torah, il n’aura pas de questionnement. Or la mission de Levi était justement de trouver la réponse à la question de Reouven. Sans la question, Levi n’a aucune raison de réfléchir à une solution cette question et ne pourra donc pas réaliser son propre potentiel.

Bien entendu, cet exemple est très superficiel car notre mission ne consiste pas seulement à trouver des réponses ou des questions. La Torah nous invite a bien plus que cela. Elle nous propose des réflexions profondes, d’en tirer des conclusions afin de redéfinir notre regard sur tous les domaines de la vie. Il est clair que les échanges de réflexion et notre comportement peuvent avoir beaucoup d’impact sur notre entourage, notre famille, etc…

Nous avons donc trois responsabilités:

  • Réaliser La Volonté Divine qui exige une étude de Torah dès que possible;
  • Etre un moteur et non un frein dans l’ascension spirituelle de notre entourage;
  • A devenir soi-même en réalisant notre potentiel.

 

De nos jours, avec nous avons une tendance lire de grandes quantités d’information. Mais bien malheureusement notre lecture se fait sur des écrans au détriment des livres de Torah. Affairé en pianotant sur les petits claviers, notre esprit est ailleurs, s’évade et nous oublions les priorités, nous oublions Hashem, notre entourage et nous-mêmes. Sans nous en rendre compte, nous perdons beaucoup de temps, un temps si précieux qu’Hachem nous octroie pour étudier les textes saints. Nous gaspillons notre potentiel de “vie” et le potentiel des autres.

En d’autres termes, assouvir notre curiosité en contemplant la vie des autres sur les réseaux sociaux, regarder des futilités sur YouTube, s’instruire sur des sites scientifiques etc, passent avant notre propre vie, Hashem et notre famille.

J’ai entendu de mon Rav au nom du Rav Wolbe, que l’essentiel chez le juif est de savoir ce qui est prioritaire dans la vie.

A vous de voir!!!