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Un phénomène vieux de plus de 2 500 ans

L’expression “fake news” est sur toutes les lèvres. On parle de “fausses nouvelles”, de hoax (“canulars malveillants”), de “faits alternatifs”, et on dénonce des sites ou des entreprises de désinformation qui menaceraient la nature même de la démocratie. Profitant du discrédit pesant sur les médias traditionnels et de l’essor continu des réseaux sociaux, le XXIe siècle nous ferait ainsi entrer brutalement dans l’ère de la « post-vérité ». 

Si l’emploi de l’expression “fake news” est relativement récent, popularisée durant et par la campagne électorale opposant Hillary Clinton et Donald Trump, l’usage de la désinformation est bien plus ancien.

Déjà au VIe siècle avant notre ère, le général et stratège chinois Sun Tzu expliquait dans l’ Art de la guerre toute l’importance de la tromperie et de la duperie dans la conduite d’un conflit. Il insistait notamment sur la nécessité de trouver un compromis entre vérité et mensonge, afin de rendre les fausses nouvelles les plus crédibles et efficaces possibles. Pour ce faire, il fallait bien calibrer son objectif et notamment les personnes-cibles, en jouant sur une autre combinaison, à savoir le couple affect-intellect.

Les juifs, des cibles privilégiées

Un sondage de l’Ifop, commandé par Conspiracy Watch et la Fondation Jean-Jaurès, donne des les résultats suivants:

  • Un Français sur cinq croit qu’il existe une conspiration des Juifs visant à prendre le contrôle du monde.
  • 22% des Français ont répondu par l’affirmative à la question « estimez-vous que Dieudonné a plutôt raison ou plutôt tort quand il dit qu’il existe un complot sioniste à l’échelle mondiale ? »

Le mythe de la conspiration juive est peut-être la plus vieille théorie du complot puisqu’elle remonte aux débuts du christianisme. L’Église véhicule notamment la figure des Juifs « déicides » qui auraient livré leur pseudo D. aux Romains pour le faire crucifier. Les Juifs sont perçus avec méfiance tout au long du Moyen Âge en Europe et régulièrement accusés des fléaux de l’époque.
Et depuis le sang des Juifs a coulé…

complotisme

Dans la vision conspirationniste, le peuple juif est essentialisé en tant qu’incarnation d’une menace permanente et ainsi construit comme ennemi absolu de tous les peuples. Il devient le porteur par excellence de la « causalité diabolique ». Il s’agit donc d’une interprétation globale de l’histoire dans laquelle le Juif apparaît « comme une force satanique, comme la source de tous les maux dans le monde, des origines à nos jours ». Dans l’imaginaire conspirationniste moderne et contemporain, les Juifs sont accusés d’être à la tête d’un méga complot en vue de la domination du monde. (voir article sur le sujet)

Voici une liste non exhaustive des différentes accusations portées aux juifs durant l’Histoire. 

  • L’accusation de meurtre rituel à l’encontre des Juifs est une allégation antijuive ou antisémite selon laquelle les Juifs assassineraient des enfants non juifs à des fins rituelles, la confection de matsot pour Pessa’h étant la plus fréquemment citée. Plus tard, cette motivation rituelle est abandonnée et le meurtre serait dû à la nature diabolique des Juifs.
  • La peur des lépreux de 1321 est un complot supposé de lépreux français dans le but de propager leur maladie, en contaminant l’eau des puits des chrétiens avec l’aide de poudres et de poisons. Juifs et musulmans d’Espagne sont accusés d’être impliqués dans cette affaire, ce qui donne aux autorités locales une excuse valable pour attaquer à la fois les juifs et les communautés de lépreux

  • Les Mémoires pour servir à l’histoire du jacobinisme sont un essai politique contre-révolutionnaire et anti-Lumières écrit par l’abbé jésuite Augustin Barruel attaquant la Révolution française, la décrivant non comme un évènement spontané mais comme un complot juif.
  • La condamnation fin 1894 du capitaine Dreyfus, pour avoir prétendument livré des documents secrets français à l’Empire allemand, a été une erreur voire un complot judiciaire sur fond d’espionnage, dans un contexte social particulièrement propice à l’antisémitisme.
  • Les Protocoles des Sages de Sion, publiées au début du XXe siècle,  détaillent un prétendu plan de conquête des Juifs sur le monde. Ce document est rapidement identifié comme un faux, d’ailleurs assez grossier, les conditions mêmes de sa fabrication ayant été mises à jour sans contestation possible. Et pourtant, Les Protocoles continuent aujourd’hui à être édités, lus, commentés, dans toutes les langues, comme s’ils contenaient une vérité que d’aucuns, théorie du complot oblige, s’évertueraient à contester… 
  • La crise de 1929 nommée la Grande dépression serait également le résultat d’un complot juif. En Allemagne, le Parti nazi a abondamment usé de ce postulat du complot juif. La propagande allemande a fortement nourri le mythe de la banque juive, notamment via l’idée que les Rothschild suscitaient des guerres entre les gouvernements en manipulant les fonds.
  • Après la Seconde Guerre mondiale, les négationnistes du génocide nazi accusent les juifs de contrôler les gouvernements, les historiens, les systèmes judiciaires : “les USA capitalistes et l’URSS communiste seraient complices et tous au service du sionisme”
  • Le négationnisme est également une théorie du complot juif. En effet pour les négationnistes, les Juifs n’ont pas du tout été exterminés durant la seconde guerre mondiale. Les juifs auraient fait croire à cette extermination, afin de créer un Etat, l’Etat d’Israël. 
  • En 1971, un universitaire argentin d’extrême droite, Walter Beveraggi Allende, a popularisé la thèse selon laquelle les « sionistes » poursuivaient secrètement un projet géopolitique, désigné sous le nom de Plan Andinia, ayant pour but de créer un deuxième Etat juif en Patagonie. Ce fantasme antisémite, qui demeure vivace dans les cercles complotistes latino-américains, a désormais sa déclinaison européenne : les événements qui ont bouleversé l’Ukraine au cours de l’année 2014 trouveraient ainsi leur origine dans un complot sioniste visant à transformer une partie de l’Ukraine en “Israël-bis”
  • En 1985, le journaliste et essayiste britannique Douglas Reed, mort en 1976, publie une théorie du complot juif dans un livre La Controverse de Sion, dans lequel il explique que les juifs ont instrumentalisé les deux guerres mondiales et en prépareraient une troisième dans le but d’installer un gouvernement mondial à leur solde.
  • L’incendie de Notre-Dame de Paris a donné lieu à de nombreux commentaires conspirationnistes. Du côté des amis d’Alain Soral, on veut croire à une « vengeance talmudique »… (voir article)
  • Et si Mario et tous les jeux Nintendo n’étaient qu’un complot Juif ? Le Before du Grand Journal de Canal+ a trouvé d’étranges ressemblances entre Mario, les jeux Nintendo et la religion juive. (Voir la vidéo).

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